En 1973, la mise en place de la « Charte du football professionnel » qui instaure le contrat à temps de manière définitive, conjointement à l’installation de la Direction Technique Nationale (DTN) et à la création de l’Institut National du Football (INF), permettent d’achever le processus de professionnalisation du football français. Dans un contexte de médiatisation (avec notamment la démocratisation de la télévision), d’augmentation des enjeux sportifs et financiers, l’arbitre détient un rôle encore plus visible sur le rectangle vert. La nécessité de disposer d’arbitres préparés, à tous points de vue, se fait ressentir dans les instances. La FFF mène alors une politique volontariste de l’arbitrage, afin que se rationalisent les structures et les pratiques des hommes en noir. Les années 1970 apparaissent véritablement comme une décennie charnière de modifications du fonctionnement de l’arbitrage français. Le Statut de l’Arbitrage, mis en place en 1970, déclenche la métamorphose d’un système inégal et opaque, grâce à une série de mesures, telles que l’obligation pour les clubs de fournir des arbitres, le renouvellement des membres de la Commission Centrale des Arbitres (CCA), l’augmentation des contrôles, l’uniformisation des rapports ou la reconfiguration de la hiérarchie arbitrale, qui amènent l’arbitrage français à se structurer. Les décisions prises dans l’Hexagone commencent par ailleurs également à être progressivement influencées par la Commission des arbitres de la FIFA, à l’instar de la mise en place des cartes (qui seront appelés plus tard cartons) jaune et rouge ou du test de Cooper, qui sont initiés par cette instance. Les arbitres, disposant dorénavant d’une visibilité, doivent désormais être compris par le grand public, afin de participer à ce nouveau spectacle télévisuel.

L’exposition médiatique entraîne une réaction « défensive » des hommes en noir et une augmentation de l’esprit corporatiste. L’UNAF, qui les représente depuis 1967, prend ainsi de plus en plus d’importance, au cours des années 1970, dans les débats sur l’arbitrage et les décisions prises par la FFF. Louis Tereygeol (photo ci-dessous, FFF), Président de cette Union, est élu au Conseil Fédéral en 1975 et dispose dans ce cadre d’un pouvoir non-négligeable au sein de la plus haute instance du football français.

L’arbitre apparaît, durant les années 1970, comme un acteur mieux préparé, notamment en devenant progressivement plus sportif et en étant représenté comme tel. Robert Wurtz (photo ci-dessous), qui dirige la finale de la Coupe d’Europe des Clubs Champions en 1977 et représente les arbitres français lors de la Coupe du Monde 1978 en Argentine, incarne ce nouveau visage du directeur de jeu, plus jeune, plus actif sur le terrain et en mesure de suivre le jeu qui devient de plus en plus rapide. Cet Alsacien est le précurseur d’un arbitrage bien plus visible par le public et les téléspectateurs, effectuant des gestes démonstratifs et théâtraux sur le terrain.

Progressivement, notamment sous l’influence de l’évolution des retransmissions télévisées, d’une formation plus complète et d’une politique visant à mieux communiquer les décisions au public, le directeur de jeu « sort de l’ombre » et devient ainsi plus apparent dans les médias. La mise en place du test physique de Cooper ou les instructions données sur l’entraînement à adopter s’inscrivent dans cette dynamique de sportivisation des arbitres. Par ailleurs, l’arbitre d’élite est progressivement globalement bien mieux indemnisé (alors qu’un arbitre international perçoit 60 francs par rencontre au début des années 1970, il perçoit 1 000 francs par match à la fin de cette décennie), élément suscitant, parmi d’autres, un attrait grandissant vers cette fonction. La spécialisation de la fonction de juge de touche s’inscrit aussi dans ce contexte. L’échec du trio arbitral français composé de trois internationaux (Michel Kitabdjian, René Vigliani et Robert Héliès) lors de la finale de la Coupe d’Europe de 1975, opposant le Bayern Munich à Leeds au Parc des Princes, accélère la spécialisation des juges de touche formés et évalués par la Fédération ainsi que la création de trios permanents.

 

Alexandre Joly est un historien du sport. Il a soutenu une thèse en 2021 portant sur l’histoire des arbitres dans le football professionnel français durant le XXe siècle.