Histoire : l’arbitrage d’hier à aujourd’hui
Une nouvelle étape dans la défense des arbitres de l’élite : la création du SAFE (1/2)En 2006, les arbitres d’élite français sont bien conscients que les enjeux liés à l’exercice de leur fonction sont trop éloignés de ceux de leurs collègues amateurs et décident de se regrouper pour défendre leurs intérêts. Ils décident de créer un nouveau syndicat : le SAFE (Syndicat des Arbitres du Football d’Élite). Cette création cristallise alors la présence d’un arbitrage à deux vitesses : un qui constitue presque un métier à part entière pour des semi-professionnels et un autre qui fait office d’occupation rémunérée pour des amateurs. Après plusieurs mois de réflexion, le SAFE est ainsi créé en juillet 2006 et les membres du comité directeur élisent Tony CHAPRON en tant que premier président. Le SAFE vise alors la protection et l’amélioration du statut des directeurs de jeu d’élite. Clément TURPIN justifie la création de ce syndicat propre aux arbitres de l’élite : « Aujourd’hui, il y a l’arbitre professionnel. C’est son métier et il y a un rapport avec son activité qui est un rapport professionnel. Je trouve ça bien qu’il puisse avoir une structure qui se penche sur ses problématiques professionnelles ». Une fois créé, le SAFE, « organe de promotion et de défense des intérêts de ses membres », se lance directement dans des projets d’amélioration du statut des arbitres d’élite, même si ses membres ne se sentent pas écoutés : « On multiplie les demandes de réunion, souvent repoussées, annulées… Et quand elles ont lieu, on nous mène en bateau » (Entretien avec Tony Chapron). Le syndicat reproche notamment la rémunération bien inférieure des arbitres français, comparé à leurs voisins européens : 53 000 euros brut par saison pour un arbitre de Ligue 1, contre 65 000 en Espagne, 73 000 en Allemagne et 90 000 en Angleterre. Mais le SAFE veut également une mise en conformité du statut de l’arbitre de football, en lien avec la loi Lamour votée la même année, qui indique que : « Les arbitres sont considérés comme chargés d’une mission de service public et les atteintes dont ils peuvent être victimes dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leur mission seront désormais réprimées par des peines aggravées, lourdes amendes et peines de prison ferme, prévues par le Code pénal ». Cette loi marque encore une avancée majeure vers la professionnalisation des carrières des arbitres, en leur garantissant ainsi un statut juridique renforcé et une meilleure protection.
En automne 2006, un problème de trésorerie entraînant un retard dans le paiement des indemnités des arbitres d’élite, constitue l’élément déclencheur. Ne se sentant pas assez écouté par les différentes instances et profitant de ce problème de trésorerie, le SAFE décide de mener une action pour se faire entendre. La volonté est de retarder de dix minutes les rencontres de Ligue 1 et de Ligue 2. Un communiqué est envoyé aux instances fédérales et à la presse concernant l’action qui va être menée, si bien que dès le 8 décembre 2006, L’Équipe titre : « Les arbitres se rebiffent ». Ce mouvement est suivi par tous les arbitres du syndicat et l’intégralité des rencontres de L1 et de L2 commence avec dix minutes de retard le 10, 11 et 12 décembre 2006. Le SAFE proteste contre la Ligue et la FFF pour défendre les intérêts économiques de ses adhérents ». Cette grève est un grand succès puisque la FFF et la LFP décident, suite à ce mouvement, d’engager des discussions avec le SAFE pour faire évoluer le statut des arbitres d’élite. Ces échanges aboutissent finalement le 1er juin 2007, à la signature d’un accord tripartite, entre la FFF représenté par Jean-Pierre Escalettes, la LFP avec son Président, Frédéric Thiriez et le SAFE présidé par Tony Chapron. Dans ce protocole, un ensemble de revendications sont alors actées, telles qu’une meilleure rémunération (avec la mise en place d’un salaire fixe mensuel qui représente 40% de la rémunération annuelle moyenne des arbitres), une revalorisation annuelle des indemnités, la mise en place d’indemnités de rétrogradation, l’affiliation des arbitres d’élite au régime général de la Sécurité Sociale, voire encore la mise en place d’une assurance en cas d’accident. Autant d’éléments qui contribuent une nouvelle fois à professionnaliser la carrière des arbitres et à en faire de plus en plus un métier à part entière. Cette signature acte aussi l’instauration d’un pécule de fin de carrière, pour leur projet de reconversion. Lors de la signature de ce protocole, Frédéric Thiriez, Président de la LFP, considère que ce texte constitue le premier grand pas vers la professionnalisation des directeurs de jeu. En contrepartie, ces nouvelles avancées pour les arbitres entraînent néanmoins la nécessité pour eux d’être davantage disponibles lors des stages organisés par la DNA.
Alexandre Joly est un historien du sport. Il a soutenu une thèse en 2021 portant sur l’histoire des arbitres dans le football professionnel français durant le XXe siècle.