Histoire : l’arbitrage d’hier à aujourd’hui
Les arbitres tricolores à l’EuroLa Coupe d’Europe des Nations, renommée Championnat d’Europe des Nations en 1968 puis « l’Euro » en 1996, rassemble les meilleures équipes nationales européennes depuis 1958. Si l’Équipe de France y a brillé, en remportant notamment les éditions de 1984 et de 2000, qu’en est-il des arbitres tricolores ?
Cette compétition est à ses débuts une illustration du manque de reconnaissance dont bénéficie l’arbitrage français. En effet, aucun arbitre tricolore n’est invité à officier lors des cinq premières phases finales en 1960, 1964, 1968, 1972 et 1976. Il faut néanmoins dire que peu de matchs ont alors lieu et qu’ainsi peu d’arbitres sont appelés à diriger des rencontres. Il n’y a en effet que quatre rencontres par édition, avec deux demi-finales, une finale et un match pour la troisième place.
Robert Wurtz est le premier arbitre français à être sélectionné pour la phase finale d’un Championnat d’Europe, lors de l’édition 1980 organisée en Italie. Cette édition comprend pour la première fois une phase de poules et totalise 14 rencontres. L’arbitre alsacien officie lors d’une rencontre de poules opposant l’Allemagne de l’Ouest et les Pays-Bas.
Michel Vautrot est ensuite sélectionné pour l’édition 1984 organisée en France (il dirige un match de poules entre l’Espagne et le Portugal), puis lors de l’Euro 1988 en RFA. Lors de ce tournoi, il officie lors d’un match de poules entre l’Allemagne de l’Ouest et l’Espagne mais également pour l’ultime rencontre de ce tournoi, opposant les Pays-Bas à l’URSS. Durant cet affrontement entre les meilleures nations européennes, l’arbitre bisontin est omniprésent dans la presse, les articles qui lui sont consacrés sont très fréquents et souvent élogieux. L’Équipe de France n’étant pas qualifiée pour cette compétition, Michel Vautrot apparaît comme le digne représentant de la France lors de cet Euro, expliquant en partie sa mise en valeur par les journalistes français : « Il y a des périodes dans la vie où il faut savoir ne pas bouder les petits plaisirs quand on est privé des grands. Alors, soyons gaulois et reconnaissons-le sans honte : qu’un Français ait été choisi pour arbitrer un match aussi important que RFA-Espagne nous flatte la crête. Et comme décidément il y aura toujours un Michel pour sauver le pays, hier soir Zorro rimait avec Vautrot. Faute d’avoir conquis sur le terrain le droit de jouer les arbitres dans cet Euro 88, la France, grâce à trois d’entre les siens, s’était vu offrir quatre-vingt-dix minutes supplémentaires pour retrouver son honneur » (L’Équipe, 1988).
Après cette finale, Michel Vautrot apparaît non plus seulement comme l’un des meilleurs arbitres français, mais également comme l’un des meilleurs directeurs de jeu dans le monde. Il est d’ailleurs désigné meilleur arbitre « international » par l’IFFHS (International Federation of Football History & Statistics) en 1988 et 1989.
En 1992, l’arbitre parisien Joël Quiniou, qui compte alors à son actif deux Coupes du Monde, est désigné pour officier lors du Championnat d’Europe. Mais échouant au test physique obligatoire, il est remplacé par son collègue lorrain Gérard Biguet qui officie lors d’une rencontre de poule entre le CEI et l’Allemagne.
En 1996, le nombre de participants à la phase finale de l’Euro passe à 16 équipes, occasionnant 31 rencontres. Marc Batta arbitre un match de poules entre la Croatie et le Danemark et un quart opposant l’Espagne à l’Angleterre. Gilles Veissière est sélectionné pour les éditions 2000 et 2004 et dirige au total quatre rencontres de poules durant ces deux évènements. En 2008, aucun arbitre tricolore n’est sélectionné pour officier lors de l’Euro organisé en Suisse et en Autriche. En 2012, le nordiste Stéphane Lannoy est désigné pour l’édition organisée en Pologne et en Ukraine. Il arbitre deux rencontres de poules ainsi qu’une demi-finale opposant l’Allemagne à l’Italie.
Clément Turpin est l’arbitre central désigné pour les éditions 2016 et 2020 et officie à ce titre lors de 4 rencontres de poule au total. D’autres arbitres tricolores sont également sélectionnés en 2020 : Stéphanie Frappart en tant qu’arbitre remplaçante et François Letexier en tant qu’arbitre VAR. Ce dernier est sélectionné, avec son collègue Clément Turpin, pour l’édition 2024 (Jérôme Brisard et Willy Delajod sont aussi appelés en tant qu’arbitres VAR). Lors de cette édition, l’arbitrage tricolore est sur le devant de la scène. Clément Turpin officie lors du match d’ouverture entre l’Allemagne et l’Écosse, lors d’un autre match de poules puis lors d’un quart de finale opposant les Pays-Bas et la Turquie. François Letexier est lui désigné sur un match de poules puis lors d’un huitième de finale entre la Géorgie et l’Espagne. Il arbitre la finale de l’évènement entre l’Espagne et l’Angleterre, 36 après son prédécesseur tricolore Michel Vautrot. Et comme son aïeul, l’arbitre rennais sera lui aussi sacré meilleur arbitre du monde par l’IFFHS en 2024.
Alexandre Joly est maître de conférences à l’Université Grenoble-Alpes. Il a soutenu une thèse en 2021 portant sur l’histoire des arbitres dans le football professionnel français durant le XXe siècle.