Le Syndicat des Arbitres du Football d’Elite et Alexandre JOLY vous proposent de plonger dans l’histoire de l’arbitrage. Origines, évolutions, moments clés, anecdotes, images d’archive, découvrez l’arbitrage d’hier à aujourd’hui.

 

Durant les années 1960, les deux Présidents successifs de la Commission Centrale des Arbitres (CCA) - René Flageul (de 1950 à 1965) et Raymond Eymery (de 1965 à 1975) - perpétuent un manque de structuration, une opacité dans la gestion des carrières des arbitres et un pouvoir vertical et informel. Les arbitres ont alors très peu de liberté d’action face aux décisions prises par la CCA. Cette commission est à ce moment-là peu transparente quant aux décisions prises, que ce soit vis-à-vis des arbitres ou des Commissions Régionales d’Arbitrage. Par ailleurs, les membres de la CCA contrôlent relativement peu souvent les arbitres sur les terrains (un arbitre de D1 est observé de zéro à trois fois chaque saison) et ne préviennent pas ces derniers à l’avance de leur présence au match. Les rapports sont très peu détaillés et ne présentent toujours pas de critères d’évaluation ou la note reçue par l’arbitre de la rencontre.

Durant les années 1960, la France n’est pas une nation reconnue pour son arbitrage : aucun arbitre tricolore n’est invité à officier lors des phases finales des Coupes d’Europe des nations 1960, 1964 et 1968. Pierre Schwinté est le seul contre-exemple durant cette période, représentant la France lors des Jeux Olympiques de Rome en 1960, ou lors des Coupes du Monde 1962 au Chili et 1966 en Angleterre. Il est même amené à arbitrer un quart de finale lors de l’édition de 1962 et une demi-finale en 1966.

Cet arbitre international apparaît aussi comme l’un des premiers arbitres qui n’hésite pas à critiquer la structure en place et le fonctionnement de la CCA. À travers un article qui titre en 1963 « M. Schwinté : voilà ce qui ne va pas dans l’arbitrage français », ce dernier affirme : « Toute l’organisation administrative est à refaire. Pour s’occuper des 120 arbitres fédéraux et interrégionaux, la CCA comprend une douzaine de membres. Dérisoire. Cinq Ligues sur dix-sept sont représentées à la CCA. Certaines en profitent pour s’octroyer des privilèges. C’est pourquoi les arbitres du Sud-Est, du Nord et de Paris fonctionnent plus que les autres […] La CCA est un organisme vidé de son sens ».

La remise en cause du système gronde de plus en plus fortement, mais l’orage n’éclate que deux ans plus tard. « L’affaire Jean Tricot », suite au départ du stade de cet arbitre à la mi-temps d’une rencontre de Première Division entre Rouen-Nantes le 10 janvier 1965, se transforme en une remise en cause explicite du fonctionnement de l’arbitrage. Lors d’une audience prévue pour expliquer ses actes auprès de la CCA, Jean Tricot n’hésite pas à dénoncer le partisanisme des membres de la CCA, les incohérences dans l’évaluation ou la progression des arbitres de l’époque.

Pour défendre leurs intérêts et lutter contre les violences trop souvent subies sur les terrains, les hommes en noir décident progressivement de se regrouper. Bien qu’une Amicale Française des Arbitres de Football regroupe depuis 1950 une grande partie des hommes en noir de la Fédération, cette dernière ne comprend pas les arbitres de tous niveaux. Dès 1961, une nouvelle union d’arbitres est créée. Dirigée par l’arbitre retraité M. Nisse, l’Association Autonome des Arbitres Français regroupe l’ensemble des arbitres parisiens, qu’ils évoluent au niveau départemental, régional ou fédéral.

Mais pour faire face aux violences subies par les arbitres sur les terrains, l’Union Nationale des Arbitres de Football (UNAF) est créée en février 1967 et devient l’association de tous les arbitres, suite à la fusion de l’Amicale Française des Arbitres de Football (AFAF) et de l’Association Autonome des Arbitres Français. Après avoir initialement développé l’idée de cette nouvelle union, Louis Tereygeol décide d’en devenir le porte-parole après avoir mis fin à sa carrière. Dès lors, le port du même uniforme, l’identité de la fonction et maintenant le fonctionnement corporatif, contribuent à ce que l’environnement du football considère les arbitres comme un ensemble homogène. L’UNAF, représentant visible d’un corps arbitral uniforme, semble dès lors pouvoir constituer la voix des arbitres de football face à la CCA et au Bureau Fédéral.

 

Alexandre Joly est un historien du sport. Il a soutenu une thèse en 2021 portant sur l’histoire des arbitres dans le football professionnel français durant le XXe siècle. Illustrations : archives personnelles et médiathèque FFF.