Au début des années 2000, plusieurs chantiers sont impulsés par le Président de la Fédération Française de Football (FFF), Claude Simonet, dont celui de doter le football français d’un arbitrage moderne. Le 13 septembre 2001, la FFF officialise le remplacement de l’historique Commission Centrale des Arbitres (CCA), créée en 1919, par une Direction Technique Nationale de l’Arbitrage (DTNA). Le Président de la CCA, Michel Vautrot, devient alors le Président de cette DTNA, tandis que Marc Batta est nommé responsable de la cellule professionnelle des arbitres. La création de la DTNA, qui inaugure de nouveaux locaux au siège de la FFF à partir de février 2002, accélère alors le processus de professionnalisation de l’arbitrage, dans la dynamique lancée par la FIFA au milieu des années 1990. Michel Girard et Daniel Lambert sont les deux premiers membres de la DTNA à bénéficier d’un contrat avec la fédération, tandis que Michel Vautrot reste lui bénévole. Avec les premiers postes de salariés de l’arbitrage créés au sein de cette nouvelle structure, la gestion nationale de l’arbitrage est professionnalisée et ne relève plus uniquement du bénévolat. La spécialisation des arbitres devient plus précoce, avec notamment la création de la « filière féminine », qui correspond à un nouveau concours fédéral spécifique pour les arbitres féminines. Les recrues de ce concours obtiennent le titre d'Arbitre Fédérale Féminine », ce qui leur permet de diriger des matchs de Première Division féminine. Il en est de même pour la spécialisation des arbitres-assistants, qui devient plus marquée avec la création d’un concours fédéral spécifique pour cette fonction.

Par ailleurs, la généralisation des postes de Conseillers Techniques Régionaux en Arbitrage (CTRA) à partir de 2002 contribue également à mieux structurer les instances de l’arbitrage à l’échelle des ligues. Ces postes, qui ont pour mission d’établir un relais supplémentaire sur le terrain en axant les efforts sur le recrutement et la formation, permettent à d’anciens hommes en noir reconnus dans l’Hexagone de se reconvertir en faisant valoir leur expérience, tout en étant salariés pour cette mission. Ainsi, à la manière de la Direction Technique Nationale mise en place par Georges Boulogne en 1970, la DTNA s’applique à mettre en place un maillage de cadres de l’arbitrage à travers l’Hexagone. En 2003, ils sont ainsi huit arbitres ou anciens arbitres à œuvrer dans leur région pour le développement et la promotion de l’arbitrage. Bertrand Layec (PHOTO), alors arbitre international, devient le premier CTRA de la Ligue de Bretagne et considère que « la création de ce poste est une vraie révolution. Une nouvelle ère commence pour l’arbitrage français ».

En 2003, la création d’une rubrique « arbitrage » sur le site de la FFF, où paraissent les désignations des arbitres, permet de moderniser et de rendre plus lisible l’arbitrage français. La structuration des instances de l’arbitrage s’accompagne également de modifications pour les arbitres de l’élite. Tout d’abord en termes d’indemnités : si les arbitres de Division 1 (Ligue 1 à partir de 2002) perçoivent 8 000 francs (équivalent à 1 220 euros) par rencontre jusqu’en 2001, à partir de cette date ils reçoivent désormais 15 000 francs (équivalent à 2 287 euros). En échange, les arbitres de l’élite doivent se rendre encore davantage disponibles, la DTNA les réunissant une fois par mois pour faire un bilan des journées écoulées et tendre vers plus d’uniformisation.

Si les arbitres français bénéficient d’une image positive dans les instances européennes et internationales, qui se cristallise notamment par la sélection de Gilles Veissière (PHOTO) pour la Coupe du Monde 2002 organisée au Japon et en Corée du Sud, le problème majeur est celui du recrutement des arbitres. La nouvelle DTNA décide, face à cette problématique, de s’appuyer sur son nouveau partenariat avec l’enseigne But pour organiser des « journées de l’arbitrage » (les premières se déroulent le 19 et le 20 octobre 2002) qui ont alors pour but de recruter de nouveaux talents et de revaloriser l’image de l’arbitre. Dès l’année suivante, ces journées centrées sur les arbitres ne sont plus spécifiques au football, mais concernent désormais d’autres sports tels que le rugby, le handball ou le basket-ball. Cette action se poursuit et se développe encore plus durant les années suivantes, si bien que le nombre d’arbitres de football passe de 22 000 en 2001 à 26 000 en 2004.

La professionnalisation des arbitres d’élite avance encore en 2006 lorsque ces derniers créent leur propre syndicat : le Syndicat des Arbitres du Football d’Élite (SAFE). Ce dernier, tout d’abord présidé par Tony Chapron, vise alors la protection et l’amélioration du statut des directeurs de jeu d’élite. Ce statut évolue par ailleurs, pour les arbitres de toutes les disciplines, avec la loi Lamour du 23 octobre 2006, qui indique que « les arbitres sont considérés comme chargés d’une mission de service public ». Avec ce texte, appliqué à partir du 1er janvier 2007, l’arbitrage est officiellement assimilé à une mission de service public et les directeurs de jeu bénéficient du statut de travailleurs indépendants. Cette loi garantit ainsi un statut juridique renforcé et une meilleure protection. Quelques mois plus tard, l’action du SAFE permet d’aboutir à un protocole tripartite entre les arbitres, la FFF et la LFP, qui concrétise de nombreuses avancées pour les arbitres en termes de rémunération et de statut. L’arbitrage français est en marche vers le professionnalisme…

PHILIPPE KALT                                            GILLES VEISSIERE                                                                                      

Alexandre Joly est un historien du sport. Il a soutenu une thèse en 2021 portant sur l’histoire des arbitres dans le football professionnel français durant le XXe siècle.