L'arbitrage d'hier à aujourd'hui
Les arbitres de football : des hommes contrôlés (années 1950)<br /><br />Le Syndicat des Arbitres du Football d’Elite et Alexandre JOLY vous proposent de plonger dans l’histoire de l’arbitrage. Origines, évolutions, moments clés, anecdotes, images d’archive, découvrez l’arbitrage d’hier à aujourd’hui.
Au début des années 1950, la Fédération Française de Football connaît des changements majeurs dans sa gouvernance. La disparition quasi-simultanée des dirigeants historiques du football, les Présidents Jules RIMET, Emmanuel GAMBARDELLA et Georges BAYROU, ainsi que du secrétaire général Henri DELAUNAY, tous auréolés d’un prestige et d’une autorité incontestée, provoque des flottements au sommet de la Fédération. Si le Bureau Fédéral est en phase de reconstruction, la structure de l’arbitrage n’évolue que progressivement. En 1950, face au manque d’uniformité des décisions prises tous les week-ends, la CCA instaure des contrôles pour les arbitres fédéraux par les membres de cette commission, qui ont donc ainsi pour charge d’évaluer leur manière d’arbitrer. De la même manière, à partir de la saison 1955-1956, les hommes en noir font l’objet de trois observations obligatoires pour l’examen d’entrée à la Fédération. Que ce soit pour cet examen ou pour un contrôle, les membres de la CCA ne préviennent pas les arbitres à l’avance de leur présence au match. Ce modèle de contrôle social des hommes en noir induit chez les arbitres un état conscient et permanent de visibilité, qui assure le fonctionnement automatique du pouvoir exercé par la CCA. Jean TRICOT explique :
« J’ai fait tous mes matchs avec un leitmotiv en tête, que j’étais contrôlé. À partir de la Fédération, on était contrôlé mais on [ne] savait pas quand. Et on ne voyait pas le contrôleur. C’était qu’à la fin du match » (Entretien avec Jean TRICOT).
L’arbitre, se sachant potentiellement surveillé, bien que ce soit objectivement peu le cas, se voit alors obligé d’agir selon une norme précise et à travers des principes rationnels recherchés par l’institution. L’absence de note et de critères met en évidence l’opacité qui règne dans le fonctionnement de l’arbitrage français, à l’image de ce rapport rédigé par René FLAGEUL, Président de la CCA, après une rencontre arbitrée par Michel KITABDJIAN en 1958.
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Durant les années 1950, au-delà d’être contrôlés sur les terrains, les arbitres sont également pénalisés s’ils ne respectent pas les consignes de la CCA. En 1954, M. DEVILLERS, faisant partie des cinq arbitres « internationaux » français, est suspendu deux mois pour son « manque d’autorité » à la suite d’un match opposant le Stade Français au Racing Club de Paris. De la même manière, M. NISSE, arbitre « fédéral », est suspendu un mois en 1955 pour « méconnaissance de ses devoirs d’arbitre », et M. SIMON, directeur de jeu du match Red-Star/Cannes, se voit infliger deux mois de suspension pour « non-observation des prescriptions de la CCA ».
Ces évolutions en France ont lieu dans une période où la FIFA fait de plus en plus valoir la nécessité de structurer l’activité arbitrale. Sa « Commission des règles du jeu et de l’arbitrage », fondée en 1934, devient la « Commission d’arbitrage de la FIFA » en 1948. Cette commission organise la première conférence pour les arbitres « internationaux » en 1950 à Londres et crée en 1955 un corps d’experts instructeurs de douze personnes, amenés à la représenter lors des différents stages des associations nationales. Durant cette décennie, les hommes en noir français ne sont que très peu désignés dans les rencontres internationales prestigieuses. Maurice GUIGUE est alors une exception, étant sélectionné lors de la Coupe du Monde organisée en Suède en 1958 et a fortiori lors de la finale de cet évènement. Il constitue alors la vitrine de l’arbitrage français sur la sphère internationale.
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Alexandre JOLY est un historien du sport. Il a soutenu une thèse en 2021 portant sur l’histoire des arbitres dans le football professionnel français durant le XXe siècle.